Dossier Spécial : La nouvelle donne des marchés de mode- Dario Querci Le - Première Vision Paris
Dario Querci, expert textiles et RSE sur le marché américain « Les Etats-Unis ont une capacité unique à investir, et à innover »
Si la pandémie n’a pas épargné le pays, les entreprises américaines ont profité de la période pour investir massivement et opérer des mutations profondes dans leur chaines de production. L’objectif ? Contrecarrer l’hégémonie chinoise et occuper une place de leader, en termes d’innovation et d’éco-responsabilité.
Quelle est, aujourd’hui, la situation du marché américain ?
L’univers de la mode a été totalement bousculé, et les Etats-Unis n’ont pas échappé à cette dépression. Le business a beaucoup souffert, notamment de l’absence des clients dans les boutiques. Dans le même temps, les maisons qui ont développé un e-commerce efficace se portent plutôt bien.
Pour de nombreuses maisons françaises, ce moment a été l’occasion d’accélérer la digitalisation, le phénomène est-il identique Outre Atlantique ?
La digitalisation constitue la préoccupation majeure pour les entreprises du monde entier, dans la mode comme dans les autres secteurs. Les maisons doivent développer des plateformes numériques fluides et attractives (le design est essentiel) et multiplier les interactions avec les consommateurs. La digitalisation est désormais la seule façon de survivre mais surtout de continuer à se développer, en veillant à l’amélioration constante des outils techniques.
En dehors de la digitalisation, quelles mutations vous ont semblé les plus intéressantes ?
De nombreuses maisons ont profité de la période pour mettre à plat l’ensemble de leur chaine de production et la reconstruire de façon vertueuse, en termes d’éco-responsabilité. C’est, à mes yeux, la meilleure façon d’agir pour prendre le vent dès que le business retrouvera son rythme normal. Les entreprises qui ont compris cela se relèvent déjà et celles qui ont tissé des liens avec l’Asie et le Moyen-Orient ont profité à plein d’un business en forte croissance.
Quand et comment voyez-vous la reprise de l’activité pour l’économie de la mode américaine ?
Le monde vit encore dans la peur. Nous devons tous attendre une chose : que plus de 50% de la population soit vaccinée. Cela nous permettra de voyager à nouveau pour le plaisir et le business, recréant ainsi les conditions nécessaires au retour de la croissance pour la mode. Je pense que l’on peut raisonnablement envisager cela pour le début de l’automne 2021.
On dit également que la crise va avant tout profiter à l’Asie et tout particulièrement à la Chine. Comment voyez-vous la place des USA dans cette nouvelle géopolitique ?
La Chine s’est vite relevée de la pandémie car elle a été la première à la vivre et à la contrôler. Elle est le seul pays où le retail a repris à la normale et où les usines garantissent, sans retard, un volume de production important. Les marques qui avaient décidé de diversifier leurs lieux de production en dehors de la Chine sont plus prudentes aujourd’hui, dans la mesure où le pays est aujourd’hui le seul à offrir un système 100% opérationnel. Face à cela, les Etats-Unis ont leur carte à jouer. Ils doivent, pour cela, accélérer leur montée en puissance en termes d’éco-responsabilité avec des stratégies impactantes et scientifiquement inattaquables, garantissant une production éthique et écologique de premier plan. Les marques américaines peuvent, aujourd’hui, saisir une formidable opportunité en se positionnant comme des leaders incontestés, capables de produire une mode créative, de grande qualité et totalement écoresponsable. Notre pays a les moyens, le savoir-faire et toutes les technologies pour relever ce défi.
La mode américaine s’est toujours relevée très vite des différentes crises qu’elle a traversée. A-t-elle aujourd’hui les atouts pour rebondir à nouveau ?
Plus que jamais ! Les États-unis bénéficient d’un marché intérieur dynamique, d’une grande capacité à l’investissement mais aussi d’une philosophie qui privilégie audace et innovation. Les capitaux investis autour de l’éco-responsabilité durant la pandémie portent déjà leurs fruits, permettant aux entreprises de survivre à la crise et de se préparer à demain.
Avez-vous constaté une évolution dans le désir des consommateurs ?
Nous avons observé des changements liés à la nature particulière de la période que nous traversons. Les gens sont restés chez eux et ont privilégié un vestiaire confortable et cosy, à base de laine, de sweatshirts. Ils ont également eu le temps de reformuler leurs désirs, privilégiant plus que jamais la qualité et le caractère iconique des marques. Enfin, les consommateurs se sentent plus que jamais concernés par l’éthique. Aux Eats-unis comme sur la planète entière, la transparence est désormais vécue comme une obligation absolue. Un devoir envers le consommateur.
Dossier spécial “La nouvelle donne des marchés” – la suite :
Lisez l’interview de Guglielmo Olearo, directeur des salons internationaux de Première Vision