Dossier Spécial : La nouvelle donne des marchés de mode – Guglielmo Olearo Le - Première Vision Paris
Guglielmo Olearo, directeur des salons internationaux de Première Vision :« Les marques chinoises émergentes constituent un vrai réservoir en termes de business »
Aux commandes des salons internationaux de Première Vision, Guglielmo Olearo occupe une position d’observateur privilégié pour l’ensemble des marchés. Il nous livre son regard sur la géopolitique qui se redessine aujourd’hui, synthèse précieuse pour repenser stratégie et développement.
Comment évaluez-vous, aujourd’hui, la situation de la filière mode ?
La pandémie a, incontestablement, eu un impact très négatif. Pas de touristes, pas de consommation… Les fournisseurs -comme les marques- ont subi cela de plein fouet. Selon les études les plus récentes, les marques affichent une baisse de CA de -25 à -35% et l’amont du secteur est, logiquement, à l’identique. La filière doit se repenser, innover en attendant les premiers signaux positifs qui n’arriveront pas avant la reprise de l’activité, et d’une vie normale.
La pandémie a généré de graves difficultés mais elle a aussi été source d’opportunités. Lesquelles ?
Certaines entreprises ont profité de la crise pour imaginer de nouvelles stratégies en termes de développement produit, d’innovation et d’accès aux marchés ; le tout en intégrant la puissance du digital. Même si nous restons dans un univers dominé par le besoin de toucher, il est indispensable d’en exploiter l’immense potentiel. Or, beaucoup d’exposants doivent encore franchir ce pas pour conserver leur dialogue avec les marques. Notre marketplace les accompagne dans cette direction en travaillant plus spécifiquement autour de la combinaison physique & digital qui se révèle très créatrice d’opportunités. Cette fameuse omnicanalité qui réunit les deux aspects pour l’élaboration d’une stratégie globale.
L’Asie, et notamment la Chine, semble avoir tiré parti de cette crise. Pourquoi ?
La Chine semble mieux contrôler la crise sanitaire, ce qui a permis à la consommation de repartir. Elle se révèle même extrêmement forte -le fameux « revenge shopping » après des mois de confinement. Les chinois ont soif de se faire plaisir et les chiffres sont très encourageants. Dans le contexte général, la Chine fait un peu cavalier seul et va tirer la croissance mondiale. Selon les estimations de 2019, le pays allait devenir premier marché pour la mode en 2025, ce sera visiblement plus tôt. Ce marché offre un potentiel extraordinaire -par sa taille, par l’émergence d’une génération Z qui revendique un grand appétit pour le luxe et l’envie de se montrer.
Comment les entreprises peuvent-elles tirer parti de cette nouvelle géopolitique ?
Elles doivent tout d’abord apprendre à parler à ces marchés, devenus très exigeants. Les chinois sont de plus en plus sensibles au message véhiculé par les marques et il est essentiel de concevoir des guidelines très précises. Les chinois sont en quête de modernité, d’inspiration et de valeurs fortes, et notamment en matière d’éco-responsabilité. Le développement durable est désormais un axe central qui s’inscrit dans une philosophie générale, particulière à ce pays. Contrairement à d’autres populations, les chinois sont confiants dans l’avenir, ils veulent retrouver leur place perdue dans l’histoire et militent pour un futur qui mêle harmonieusement l’homme et la nature. Le tout avec l’omniprésence de la technologie, même si l’expérience physique reste importante.
Comment les entreprises peuvent-elles aujourd’hui créer ou renforcer leurs liens avec l’Asie, tenant compte de ces transformations ?
Il est indispensable de partager ces valeurs et de prendre la mesure de l’évolution de ces marchés. Dans les années 2000, la Chine était l’usine du monde. Aujourd’hui, on assiste à l’émergence de marques locales qui se développent incroyablement vite et sont en demande de savoir-faire européens, d’excellence des matières premières et de développement durable. Voilà déjà plusieurs années que nous conseillons à nos exposants de se tourner vers ce réservoir incroyable en termes de business
Quelle mission accomplit Première Vision dans la conquête de ces marchés ?
Nous jouons un rôle de facilitateur avec un bureau sur place tout au long de l’année, qui entretient le lien avec les institutionnels et encourage le dialogue de toute la filière. Ce marché est très prometteur mais également très difficile et requiert un investissement à long terme. Il est indispensable de s’appuyer sur des relais locaux qui comprennent la façon de travailler, de raisonner à la chinoise. Nos liens avec ce pays sont puissants comme le montre la première édition de notre salon qui s’est déroulée à Shenzhen à l’automne dernier, réunissant 20 000 visiteurs et une soixantaine d’exposants. Et nous allons poursuivre notre développement en 2021 avec deux nouvelles éditions, en avril et octobre.
Qu’apprenez-vous de l’expérience chinoise ?
L’enseignement majeur tient au digital, et notamment à la façon de créer des événements numériques en parallèle de l’expérience physique. Nous capitalisons, pour cela, sur la puissance de notre marketplace. Notre digital show du 15 au 19 février s’est nourri du trafic de notre plateforme pour encourager encore les échanges. Par ailleurs, le digital va dicter de plus en plus le calendrier de nos opérations, qui ne va plus rester figé autour de deux événements par an. Nous allons, plus que jamais, alimenter un dialogue permanent avec la communauté mode et la Chine constitue un précieux laboratoire, par la puissance de ses réseaux sociaux, par la rapidité de son développement. A nous de de transposer ces savoir-faire, de nous adapter et d’être inventif…
Y a-t-il d’autres marchés à exploiter, hormis la Chine ?
Selon moi, les USA repartiront dès la fin de la pandémie, car le pays possède depuis toujours une incroyable capacité à rebondir. La situation sera plus difficile en Europe et dépendra des investissements faits dans chacun des pays. Enfin, si la Chine demeure l’atout majeur, il ne faut pas négliger le reste de l’Asie, et notamment le Japon et la Corée. Une chose est sûre, tous les marchés méritent que l’on s’y intéresse !
Dossier spécial “La nouvelle donne des marchés” – la suite :
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