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Écoconception : Quand la technologie devient solution

Avec l’entrée en vigueur du Règlement sur l’écoconception pour les produits durables (ESPR) le 18 juillet 2024, les avancées technologiques se développent pour répondre à ses exigences. Quelques mots sur ce qu’est l’ESPR et sur les outils innovants qui contribuent à relever les défis émergents.

Qu’est-ce que l’écoconception ?

Selon la norme ISO ISO 14006:2020, l’écoconception désigne une démarche structurée qui intègre des considérations environnementales dès les étapes de conception et de développement, en vue de minimiser les impacts négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit, en prenant en compte sa fin de vie dès le départ.

Ecodesign and tech

L’ESPR est une composante clé du Plan d’action pour une économie circulaire de 2020, un ensemble de mesures visant à guider l’Europe vers une économie circulaire, durable et compétitive. Ce règlement soutient les objectifs européens de doublement de la circularité des matériaux, d’amélioration de l’efficacité énergétique et de réduction des impacts environnementaux et climatiques d’ici 2030. Il établit des exigences minimales sur la performance physique des produits (durabilité, réparabilité, recyclabilité, empreinte environnementale) et prévoit l’introduction d’un passeport numérique des produits (DPP).

« D’ici 2030, tous les produits textiles mis sur le marché européen sont :
• durables, réparables et recyclables,
• composés en grande partie de fibres recyclées,
• exempts de substances dangereuses,
• fabriqués dans le respect des droits sociaux et de l’environnement.
“La fast fashion n’est plus à la mode” : les consommateurs bénéficient plus longtemps de textiles de haute qualité. »
Comission européenne

Pour atteindre ces ambitions, trois axes prioritaires se distinguent : la durabilité, l’utilisation de contenu recyclé et la recyclabilité.

1. DURABILITÉ : Moins de déchets, plus de valeur

Les produits doivent avant tout être conçus pour durer. Concevoir des vêtements plus durables et pouvant être réutilisés, réparés ou mis jour permet de réduire les déchets tout en maximisant leur valeur. Des stratégies telles que la personnalisation, la modularité et la multifonctionnalité prolongent leur durée de vie.

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À titre d’exemple, des plateformes comme Save Your Wardrobe mettent en relation les utilisateurs avec des services de réparation et d’entretien, favorisant des pratiques responsables et augmentant l’engagement des clients tout en collectant des données précieuses sur le cycle de vie des produits. De même, l’entreprise française Prolong offre des services d’entretien et de réparation fluides et omnicanaux, renforçant à la fois les relations client et l’identification d’opportunités d’amélioration à partir des informations recueillies.

Bien que ces initiatives partagent l’objectif d’allonger la durée de vie d’un vêtement, leur succès dépend de la durabilité physique intrinsèque du vêtement. Cette durabilité découle de l’expertise des fournisseurs, de la qualité des fibres et de la maîtrise technologique des machines — autant de facteurs essentiels pour créer une véritable valeur.

Lorsque cette valeur intrinsèque est présente, elle favorise une durabilité émotionnelle ou « extrinsèque », prolongeant encore la durée de vie du produit et renforçant son importance pour le consommateur.

Pour éviter les déchets dès les premières étapes de la production, des entreprises comme Smartex détectent les défauts textiles, Lectra optimise l’utilisation des tissus grâce à des améliorations de motifs et d’agencement assistées par IA, et des plateformes comme Browzwear et CLO3D permettent une conception virtuelle et des simulations 3D réalistes, réduisant considérablement le besoin de prototypes physiques tout en rationalisant le processus de conception à la production.

Ecodesign and durability
©Smartex

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2. CONTENU RECYCLÉ : Vers une boucle fermée fibre-à-fibre

Bien que les fibres recyclées aient une empreinte carbone bien inférieure à celle des fibres vierges, seulement 1 % des textiles sont actuellement recyclés en de nouveaux textiles. Une grande partie du polyester recyclé provient encore de bouteilles en PET, perturbant les systèmes de recyclage des bouteilles et produisant des textiles eux-mêmes non recyclables.

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L’innovation dans ce domaine permet des avancées majeures. Dans le domaine du recyclage des fibres synthétiques, des technologies de recyclage chimique et enzymatique, développées par des entreprises comme Carbios, Eastman, Ambercycle et Tex2Tex, font avancer les solutions de recyclage textile à textile. Les fibres cellulosiques artificielles, comme Circulose, réutilisent des tissus riches en coton pour produire de nouveaux matériaux. Des acteurs comme Orange Fibre ou Agraloop exploitent les déchets agricoles ou alimentaires pour créer des fibres cellulosiques aux propriétés soyeuses.

Circulose Recycled content
©Circulose

En matière de recyclage du coton, Weturn et sa plateforme SaaS Valo offrent une solution adaptée pour éviter la destruction des invendus en les revalorisant en nouveaux textiles. Allant encore plus loin, Säntis Textiles a développé un processus mécanique doux capable de produire du coton fibres longues 100 % recyclé.

Au niveau du commerce de détail, le système Garment-to-Garment (G2G) de HKRITA illustre un recyclage en boucle fermée à petite échelle, transformant des vêtements usagés en nouveaux produits sans utiliser d’eau ni de produits chimiques.

Quant au recyclage des colorants, des innovations comme Recycrom (par Officina39) ou le procédé Recype® de Manteco permettent de réduire le recours aux colorants synthétiques, tandis que Sages London crée des pigments uniques à partir de déchets alimentaires non comestibles, collaborant déjà avec des designers tels que Patrick McDowell.

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RECYCLABILITÉ : Pour une circularité viable

La recyclabilité représente l’un des principaux défis de la conception. Créer des textiles et vêtements en monomatière reste une contrainte qui repousse les limites de la créativité, mais simplifie clairement leur recyclage futur. Les éléments dits « durs » comme les boutons, fermetures éclair et ornements posent un autre défi : ils doivent être retirés avant le recyclage. Les designers doivent repenser la nécessité de ces ajouts, et penser au désassemblage dès le début de la réflexion.

Ils doivent également être conscients et informés des technologies spécifiques de recyclage, telles que les méthodes thermo-mécaniques ou chimiques, pour savoir précisément quels matériaux choisir.

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Dans le cas du polyester, le recyclage se divise en trois catégories : le PET pur, les mélanges dominés par le PET et les mélanges PET/coton. Des entreprises comme Circ et Epoch travaillent sur la séparation des polycotons, rendant possible la récupération des fibres grâce à l’IA.

La présence de plus de 5 % d’élasthanne a longtemps freiné la recyclabilité des textiles. Cependant, plusieurs entreprises comme Worn Again Technologies et des instituts de recherche développent des méthodes innovantes pour séparer l’élasthanne des autres fibres. Une entreprise suisse de biotechnologie spécialisée dans le bio-recyclage moléculaire, Rheiazymes, a mené des études identifiant des enzymes capables de dégrader les fibres d’élasthanne en leurs composants de base.

Parallèlement, les systèmes de tri utilisant l’infrarouge proche (NIR) montrent des résultats prometteurs, bien que leur précision diminue face aux tissus multicouches ou mélangés contenant plusieurs fibres.

Recyclability Ecodesign
©Circ

L’Union européenne travaille sur des méthodologies de calcul pour standardiser les évaluations dans tous les secteurs, incluant des outils d’évaluation du cycle de vie (ACV) pour mesurer les impacts environnementaux, des audits de vérification pour confirmer la conformité aux critères de durabilité, et des systèmes de pondération pour équilibrer différents facteurs (par exemple, recyclabilité contre durabilité).

Bien que les détails soient encore en cours de finalisation, l’accent mis sur la durabilité, le contenu recyclé et la recyclabilité garantit que les évaluations seront complètes, équitables et alignées avec les objectifs environnementaux plus larges de l’UE.

Conclusion

La mise en œuvre des passeports numériques des produits (DPP) jouera un rôle clé dans la concrétisation des objectifs d’écoconception. Au-delà des bases de données d’évaluation du cycle de vie (ACV), telles qu’Ecoinvent ou le PEF européen, qui continuent d’être améliorées et mises à jour, des entreprises comme Fairly Made, par exemple, aident les sociétés à cartographier, collecter, analyser et améliorer leurs données. Parallèlement, des outils comme TextileGenesis permettent une traçabilité et une transparence jusqu’au scope 3, permettant des choix éclairés tout au long du cycle de vie des vêtements.

L’écoconception stimule l’innovation et la créativité, offrant une voie vers des projets durables et économiquement viables. L’objectif ultime reste un système circulaire, où les déchets deviennent des ressources précieuses, limitant ainsi le recours aux matériaux vierges.

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