L’invitée de la mode : Antoinette Chalumeau Le - Printemps-Été 24 - Première Vision Paris
Antoinette Chalumeau est la fondatrice de Side Project, un studio pluridisciplinaire dédié à la création et à la production de nouvelles narrations. Ils sont au service de marques, d’artistes et d’institutions, et expriment leur vision à travers différents médias. Ils conçoivent des contenus et des expériences marquantes pour soutenir des concepts réfléchis.
La mode, par essence, est indissociable de la notion de temps. Cette notion fondamentale est mise à rude épreuve à l’ère du digital. Side Project propose une réflexion chromatique autour de cette thématique clé, le temps comme influenceur mode et social.
« Avec l’essor du digital, le temps se trouve totalement distendu ; nous évoluons désormais dans une pluralité de temporalités simultanées. La mode est ainsi confrontée à une réelle dichotomie » nous dit Antoinette Chalumeau.
D’une part, les enjeux écologiques nous parlent d’un besoin de ralentir, besoin qui se manifeste notamment dans le « slow living » et qui induit une consommation plus durable, consciente. D’autre part, les progrès scientifiques et technologiques nous entretiennent dans une accélération constante. Ce qui constitue un nouveau défi pour les marques qui doivent rester pertinentes et répondre à des désirs et des besoins de consommateurs toujours plus exigeants et avides de nouveauté. A l’heure du web 3 et du métaverse, il est essentiel de rester attractif et cultiver le désir de l’instant. Il faut alors combiner avec agilité ces deux temporalités au moment de créer.
Ces courants influencent les gammes de couleurs. Des couleurs qui s’adaptent en passant du monde digital à la réalité physique avec fluidité.
La vitesse, amplifiée par le digital, se traduit chez Side Project par des teintes vives et lumineuses. Issues de l’univers du « gaming » avec des cercles chromatiques destinés aux écrans, c’est à dire RVB. Des tons vifs voire acides, presque « néons » qui contrastent avec un noir profond. Ceux sont des couleurs en mouvement, hypnotiques, et versatiles. Dans les collections on retrouve ces teintes dans des aspect métallisés, chromés ou iridescents. Avec des textures lisses, issues des surfaces du numérique, qui amplifient une tactilité polie voire glacée. Cette palette se retrouve dans la nature, à la fois minérale ou issue des fonds marins, provenant d’insectes bioluminescents, de scarabées à reflets ou de reptiles caméléons.
La lenteur, quant à elle, est de mise quand il s’agit de savoir-faire, un tempo qui s’oppose à la vitesse industrielle de la « fast fashion ». Ses couleurs sont plus pigmentaires, obtenues par des méthodes de teintures naturelles avec des procédés manuels. Elles porteront les traces du temps, délavées ou patinées, elles seront évolutives.
Le temps de la transmission, des savoir-faire, le temps de bien faire les choses, celles qui durent dans le temps. Ce temps de plus en plus rare semble devenir la nouvelle mesure, une denrée exceptionnelle et insaisissable : un luxe ?