Pre-fall, Resort… éclairage sur les pré-collections avec Christelle Cagi Nicolau Le - Blossom Première Vision
Conséquence des nouveaux calendriers imposés par la « fast fashion » depuis une quinzaine d’années, les collections de mi-saison sont l’occasion pour les marques et maisons de luxe de proposer des nouveautés tout en offrant un avant-goût de la saison à venir.
Mais à l’heure de la consommation responsable et face aux difficultés énergétiques et d’approvisionnement, les collections pre-fall et croisière ont-elles toujours le vent en poupe ?
Nous avons rencontré Christelle Cagi Nicolau, Emerging Brands Project Manager pour la Fédération de la Haute Couture et de la Mode et Chargée d’enseignement Collection, Retail Merchandising et Brand Development à l’Institut Français de la Mode, pour nous éclairer sur les évolutions du système des pré-collections.
Comment les pré-collections se sont-elles installées dans le calendrier de la mode ?
Christelle Cagi Nicolau : « Les collections croisières sont apparues il y a un siècle, puis sont tombées en désuétude pour réapparaitre il y a environ trente ans. Renommées « Pre-fall » sur les collections Automne-Hiver et « Resort » pour les collections Printemps-Eté, elles ont pris de plus en plus d’importance, notamment dans les maisons de prêt-à-porter femme qui défilent fin septembre et fin février. »
À quels besoins répondent-elles pour les maisons et les consommateurs ?
Christelle Cagi Nicolau : « Elles correspondent à un besoin de nouveautés du consommateur initié par la fast-fashion et consolidé par les drops des DNVB. Elles permettent aux maisons de développer des ventes de nouvelle collection lors des périodes de soldes à fort trafic. Ces maisons en profite souvent pour proposer leurs formes ou matières iconiques. Les pré-collections leur permettent donc de sécuriser doublement leur chiffre d’affaires par la présence de pièces très commerciales et par une prise d’ordre en wholesale avancée auprès des distributeurs. »
Presque deux ans après le début de la crise du Covid et face aux difficultés d’approvisionnement de matières premières et d’énergie, faut-il s’attendre à une mutation de ce calendrier ?
Christelle Cagi Nicolau : « Les tensions sur la fabrication des matières et les délais de confection n’appellent pas à un changement car les pré-collections permettent aussi aux marques de mieux sécuriser leur chiffre d’affaires en cas de retard de production pendant la saison. »
Images du salon Blossom PV de décembre 21, le salon dédié aux pré-collections du luxe.
Le modèle des pré-collections permet aux marques d’offrir des nouveautés à un rythme plus élevé, ce modèle est-il remis en question par l’essor d’une consommation plus raisonnée ?
Christelle Cagi Nicolau : « Cette consommation plus raisonnée induit une exigence de créativité et de qualité favorisant des timings plus longs. Ensuite, après des décades de consommation de masse, les pièces sont désirables quand elles sont proposées en nombre limité ou parfois exclusives à un distributeur… La consommation raisonnée en nombre de pièces ne va donc pas forcément vers une diminution des campagnes de commercialisation et des tailles de collection en nombre de références produits. »
Vous qui travaillez beaucoup avec les marques et créateurs émergents, comment appréhendent-ils ces collections de mi-saison ? Voit-on apparaître de nouveaux modèles portés par la jeune création ?
Christelle Cagi Nicolau : « Quand ils sont orientés Direct-to-Consumer dans leur stratégie, les jeunes marques cadencent leur saison en thèmes digitaux avec des pièces en stock ou en pré-commande. Ces pré-collections très plein été ou plein hiver peuvent leur permettre de ne pas solder ces pièces alors qu’il commence à faire chaud ou froid. Quand ils sont orientés wholesale B to B international comme c’est le cas sur les créateurs de la Paris Fashion Week, les jeunes maisons n’ont qu’une seule collection par saison, mais ils essaient parfois d’en commercialiser une partie plus tôt en preview acheteurs…avant leur défilé ou présentation où ils ajoutent des nouveautés et diffusent les images de leur collection. »