Smart Key : Élasticité : faut-il bannir l’élasthanne pour garantir des produits à impacts réduits ? Le - Fils et fibres - Première Vision New York - Première Vision Paris - Denim Première Vision
1%, c’est la part de l’élasthanne dans la production mondiale de fibre. S’il serait tentant de se dire que son impact n’est pas significatif au vu des volumes de production, il se trouve que cette fibre aux capacités d’extension extraordinaires se retrouve dans la composition d’une immense majorité de produits. Après 60 ans d’existence et une omniprésence incontestée, l’élasthanne s’est imposée comme la fibre reine du confort.
Quelles sont ses caractéristiques et les impacts qui lui sont liés ?
L’élasthanne : la matière qui libère les corps
Scandales et révolutions au début des années 1900 : les couturiers visionnaires du moment, Madeleine Vionnet et Paul Poiret, se démarquent en révélant des silhouettes tout en fluidité avec l’usage de coupes en biais ou de tailles hautes, soulageant des corps jusqu’ici entravés dans des corsets.
Cette fluidité sera de nouveau exacerbée à partir de la fin des années 1960. Les années 1970 signent la libération des femmes, et mettent en lumière des corps affranchis de toutes contraintes, y compris vestimentaires. C’est dans les années 1960 que Dupont de Nemours met au point l’élasthanne. Ce substitut du caoutchouc naturel, présentant des propriétés physiques plus importantes que sa version naturelle s’apprête à faire déferler la prochaine vague de bouleversements. Connu également sous le nom de Spandex aux États-Unis, anagramme accrocheur de « expands », cette fibre d‘origine pétrochimique, dérivée de polyuréthane devient ainsi synonyme d’élasticité.
Ses premiers usages dans les 1970 sont dédiés aux vêtements de sport, afin d’accroitre l’aisance des mouvements, avec des produits venant épouser les corps des cyclistes, gymnastes ou danseurs.
En 1978, ses qualités se perfectionnent, avec une résistance améliorée au chlore ou au blanchissement, et la décennie suivante verra son expansion hors des seuls équipements sportifs. Dans les années 1980, l’élasthanne devient l’emblème de la discipline phare du moment, le fitness, et de sa déclinaison dans des looks iconiques d’une décennie où le corps se galbe tout en souplesse.
L’élasthanne conquiert ainsi le quotidien, en venant se glisser dans les constructions des jeans, jupes, tops, ou lingerie pour délier les mouvements.
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Prisonniers du confort ?
Cet élastomère de synthèse est obtenu par dissolution de polyuréthane dans un solvant, et traité avec des huiles à base de silicone pour réduire les caractéristiques adhésives de la fibre. L’élasthanne a la capacité de s’étirer de 400 à 700 % et de revenir à sa taille originelle. Cet atout s’allie à la capacité de produire des fils très fins permettant de développer des produits techniques performants jusqu’à de la lingerie seconde peau poids plume.
Cette fibre vient cependant cocher de nombreuses cases problématiques dans les développements de matières synthétiques : utilisation de pétrole et consommation importante d’énergie. De plus, les traitements chimiques lourds lors de sa transformation incluent l’usage de solvants, comme le N,N-diméthylformamide (DMF), qui peut entraîner des lésions du foie et présenter un risque pour la reproduction. La diffusion de toluènes dans l’air peut aussi entraîner un affaiblissement des fonctions pulmonaires lors d’une exposition chronique. En outre, l’élasthanne conventionnel n’est pas biodégradable et persiste des centaines d’années dans l’environnement. C’est également un frein au recyclage car il perturbe l’effilochage lors du recyclage mécanique.
Si l’élasthanne conventionnel peut représenter un obstacle au développement de produits à impact réduits, quelles sont les alternatives à envisager ?
Smart Key #1 : Opter pour des propriétés naturellement stretch
Il n’est pas question de revenir sur le confort acquis ces dernières décennies, juste de repenser les usages. Les performances mécaniques de certains fils, armures, ou fibres permettent d’apporter de l’aisance sans avoir recours à de l’élasthanne.
Les fils crêpes, constitués d’une très forte torsion, permettent de jouer avec leurs qualités de « fils ressorts« . Les armures crêpes sont elles aussi à examiner, leur croisure spécifique crée un effet irrégulier et permet une grande élasticité. Côté fibres naturelles, la laine se démarque avec sa caractéristique naturellement frisée apportant une élasticité naturelle.
Smart Key #2 : Miser sur une élasticité nouvelle génération
Depuis sa création l’élasthanne a connu plusieurs innovations pour proposer de nouvelles caractéristiques à impact réduit tout en conservant ses capacités d’extension très importantes.
Afin de diminuer le recours aux ressources fossiles, des élasthannes sont désormais formulés avec une part de contenu biosourcé, notamment le dextrose de maïs ou l’huile de ricin. Autre possibilité : des élasthannes recyclés développés avec un contenu revalorisé intégrant jusqu’à 60 % de déchets de production.
Dans une optique d’attention à la globalité du cycle de vie du produit, les élasthannes biodégradables, comme le Roica™ V550 sont des innovations conçues pour se décomposer plus rapidement que leurs équivalents conventionnels, et sans laisser de substances nocives dans l’environnement.
Smart Key #3 : Optimiser les mélanges pour favoriser la recyclabilité
Premier critère à prendre en compte dans une composition mixte, utiliser l’élasthanne en faible pourcentage, entre 1 et 2 %. Au-delà de 5 % en composition l’élasthanne devient un frein important au recyclage mécanique, l’étoffe devenue « élastique » résiste aux rouleaux permettant l’effilochage.
Dans une perspective de recyclage des textiles synthétiques, bien que peu développé à l’heure actuelle, certaines matières se prêtent davantage au recyclage.
Le polyester et les polymères de type polyester, tels que le PTT Sorona®, et l’élastomultiester Lycra T400®, sont également des élastofibres. En favorisant leur usage avec du polyester en fibre principale, les capacités de recyclage sont améliorées grâce à leur nature similaire, permettant d’obtenir des gisements de matière homogène.
Étirer les limites planétaires ou étendre notre confort au maximum ? Comme souvent, la réponse n’est pas de radicalement de choisir l’un ou l’autre mais de trouver la souplesse d’appréciation de la situation pour réserver les matières issues de la pétrochimie à un usage technique, et éviter d’y avoir recours sans réfléchir, lorsque d’autres alternatives s’offrent à nous.
Sources
• Base de données fiches toxicologiques N,N-Diméthylformamide ; Toluène – INRS, Institut National de Recherche et de Sécurité
• Substance Infocard N,N-Diméthylformamide ; Toluène – ECHA, European Chemical Agency
• Étude des perturbateurs et facilitateurs au recyclage des textiles et linges de maison – École Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles pour EcoTLC – juillet 2014