Smart Key : Nouvelles générations de tannage… vers une filière cuir à impact chimique réduit ? Le - Première Vision New York - Première Vision Paris - Denim Première Vision
Quelle matière remporte la médaille des débats houleux ? Le cuir serait probablement médaillé d’or pour les vives conversations qu’il entraîne. Si la traçabilité, l’absence de risques de déforestation et la bientraitance animale sont des points clés d’une chaîne vertueuse, les étapes suivant l’approvisionnement en peaux le sont tout autant. Du travail de rivière au finissage du cuir, les transformations sont nombreuses et impliquent eau, énergie, intrants chimiques et déchets. Entre perspectives d’évolution encourageantes et réalité de marché, où se situe la réalité ?
Le règne minéral
Mis au point au début du XXe siècle, le tannage au chrome a séduit pour sa souplesse, sa résistance, sa large gamme de couleurs et d’applications produits, ainsi que pour sa rapidité de traitement, en moyenne 24h pour tanner une peau.
Un succès qui l’a propulsé au premier rang des tannages les plus employés, raflant plus de 80 % du marché cuir.
Tableau idyllique si ce n’est que la forme hexavalente de cette substance minérale, le Chrome VI, a été mise en cause pour des risques de toxicité. Si on tanne avec des sulfates de chrome, Chrome III, ne présentant eux aucune toxicité pour la santé humaine, ces sels peuvent dans quelques cas, sous certaines conditions, s’oxyder et se transformer en chrome VI.
Ils portent alors un risque allergène au contact de la peau, ou de potentielles conséquences plus importantes par inhalation, raison pour laquelle il a été classé CMR (Cancérogène Mutagène Reprotoxique) et régulé par Reach à un seuil maximal de 3 mg/kg.
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La revanche du végétal
C’est la version historique du tannage. Quebracho, mimosa, et châtaignier ont fait les grands jours des peaux tannées à destination de la sellerie ou semelles. Employé aussi fréquemment en maroquinerie pour son comportement authentique, ses coloris se patinant avec le temps, le tannage végétal était privilégié par les amateurs de belle densité et de compact.
La montée des questions RSE a remis ce type de tannage au centre de la recherche, cherchant à retrouver les qualités du chrome au travers de la technologie du végétal. Il a évolué et réduit ses temps de traitement, les qualités pouvant désormais être développées en 2 jours. C’est avec la tara ou les noix de galle que sont notamment obtenus ces tannages végétaux nouvelle génération mettant en exergue des qualités de souplesse et de rondeur, développées dans des nuances éclatantes jusqu’ici inédites en végétal.
Les synthétiques, nouveaux fantastiques ?
Chrome-free, Metal-free, les exigences des marques ont fait écho à l’évolution des régulations sur les métaux, les amenant à anticiper les prochaines attentes en réclamant des produits sans traces de chrome ou de métal. Les formulations se sont alors portées sur des agents tannants issus de polymères de synthèse. Ces nouvelles formulations ont permis de développer des cuirs denses et souples, avec une base blanche s’accommodant avec des déclinaisons en blancs purs, pastels francs ou vifs intenses.
Creusons davantage ce tour d’horizon, pour décrypter les points clés du tannage responsable.
Smart key #1 : Le management environnemental, toujours au centre des considérations
Comme pour toutes opérations de transformation importantes d’une matière, les paramètres d’attention se focalisent sur un suivi global des étapes. Le chrome peut présenter un risque, ou ne pas être problématique… l’essentiel est une gestion des opérations rigoureuse. ISO 14001, LWG ou l’ICEC peuvent attester d’une vigilance absolue sur la chaîne de valeur cuir.
Le traitement des effluents est notamment un indicateur primordial. Chaque type de tannage entraîne un traitement spécifique. Le tannage végétal nécessite beaucoup d’eau et d’actifs végétaux et engendre des opérations de traitement conséquentes, là où le chrome nécessite moins d’eau mais les boues de tannage doivent être purifiées avant d’être stockées dans une décharge spécifique.
Les tanneries européennes sont assujetties à la Directive Cadre sur l’eau et classées IPCE, Installations Contrôlées pour la Protection de l’Environnement. Un cadre strict pour prévenir et réduire les pollutions en milieu aquatique, et ainsi veiller à un rigoureux traitement des eaux usées et à la réduction ou la suppression des rejets de certaines substances dangereuses.
Smart key #2 : Garder un œil sur les formulations et réglementations
Au même titre qu’il faut observer l’évolution du chrome, avec des seuils fixés par Reach qui devraient tendre à 1mg/kg à horizon 2026, d’autres actifs doivent être scrutés.
Les tannages synthétiques peuvent nécessiter des substances actuellement sous surveillance.
Le Bisphénol A a été régulé par Reach, les bisphénols BPS et le BPF sont en cours d’étude pour restriction, suspectés des mêmes effets toxicologiques.
Le glutaraldéhyde, fréquemment employé en tannage synthétique a été inscrit sur la liste candidate SVHC (substances extrêmement préoccupantes) et son utilisation est encadrée.
Le tannage Zeology® de Nera Tanning répond à ces problématiques, en activant la transformation des peaux par la zéolite, roche contenant aluminium, silice et oxygène. Formulé et vérifié pour sa conformité aux cahiers des charges de ZDHC (Zero Discharge of Hazardous Chemicals) et de Cradle to Cradle Platinum, il présente une option responsable alliée à un résultat similaire au chrome en termes de propriétés produit.
Ecotan® de Silvateam a aussi pour objectif de reproduire les caractéristiques du chrome en termes de douceur, souplesse et résistance, au travers d’une technologie de tannage mixte avec tannins végétaux et de biopolymères. Sans chrome ni glutaraldéhyde, il permet d’obtenir des cuirs ronds, souples, aux coloris intenses et profonds. Développé avec des tanneries partenaires et un fabricant de fertilisants, la qualité et l’absence de toxicité de ses co-produits leur permettent de devenir un engrais biologique en fin de vie.
Smart key #3 : Miser sur la circularité
Plusieurs options s’ouvrent ici. Tout d’abord avec le recyclage du chrome.
C’est en valorisant les chutes de production contenant du chrome, traitées et transformées en une solution liquide, qu’Evolo® de Sciarada se démarque. Ces cuirs velours ne nécessitent aucun ajout supplémentaire de chrome, et ces procédés ont été revisités pour diminuer le nombre d’étapes de transformation et ainsi réduire les consommations d’eau, d’énergie et de produits chimiques.
Autre option, le recyclage de co-produits végétaux. C’est ici que l’innovation en tannage végétal puise ses ressources. Feuilles d’olivier pour WetGreen® d’Olivenleder et racines de rhubarbe pour Rhabarberleder®, ont initié la recherche sur ces gisements végétaux issus de résidus des industries agro-alimentaires ou cosmétiques. Leur souplesse, odeur distinctive, et impact environnemental réduit en font en atout de taille.
Spécialistes des peaux de poissons, Ictyos tire parti des résidus de brassage de bière et de moult à la fois comme agent tannant et colorant. Un double bénéfice, pour mettre en relief la naturalité des développements, au travers de coloris sophistiqués houblonnés ou révélant des nuances de raisins liquoreux.
Comme pour chaque sujet complexe, entrainant des discussions souvent polarisées, le cuir est un matériau demandant à être examiné en détail. La richesse de caractéristiques de ce matériau mérite amplement de prendre le temps de comprendre en profondeur les enjeux qui y sont liés, et les pistes de renouveau pouvant être apportées.