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Smart Key : Recyclage – Vers une filière mode auto-suffisante en ressources ?

Perçons les secrets des matières éco-responsables avec les Smart Keys. Au cœur des questionnements autour de l’écoconception, les Smart Keys s’intéressent à l’analyse des solutions disponibles pour vous accompagner dans un sourcing matière toujours plus éclairé. Aujourd’hui, intéressons-nous au recyclage et à la recyclabilité. Brandi fréquemment comme atout d’éco-responsabilité, de timide incursion à phénomène sur-communiqué, il n’a fallu qu’une poignée d’années pour voir le recyclage éclore dans le paysage mode.


Tantôt acclamé ou contesté, le recyclage est-il l’apanage d’une collection vertueuse ?

Particulièrement pointée comme consommatrice de ressources naturelles et fossiles, la mode a trouvé une porte de sortie à cette préoccupation avec l’essor des matières recyclées.

Prônant un nouveau système se détachant d’une production linéaire, le raccourci entre recyclé et circulaire est devenu fréquent. Si une des devises de l’économie circulaire tient à la règle des « 5 R : Refuser, Réduire, Réutiliser, Recycler, Rendre à la terre », le quatrième R faisant écho au recyclage est donc une des étapes d’une approche circulaire, et non l’alpha et l’oméga du sujet.

Technique historique pour la laine, ou plus innovante pour d’autres fibres, l’offre de matières recyclées est désormais riche et polymorphe, et toute typologie se décline version revalorisée, qu’elle soit naturelle, animale, synthétique, ou artificielle. Plusieurs paramètres caractérisent les matières recyclées.

Les gisements

Ce sont les ressources employées en substitution des matières premières vierges, provenant d’un circuit de recyclage en boucle fermée, interne à la filière mode :

  • textiles ou cuirs pré-consommation, issus de la phase industrielle (production de fibre/filament/tissage/tricotage/chutes de coupes) ou de produits finis invendus
  • textiles ou cuirs post-consommation, provenant de la collecte de vêtements usagés

Les matières peuvent aussi provenir d’un recyclage en boucle ouverte, et donc provenir d’une autre filière :

  • déchets de production plastique, bouteilles en PET, filets de pêche
  • coproduits végétaux issus de l’industrie agro-alimentaire ou cosmétique

Les technologies

Elles n’ont pas les mêmes atouts et limites :

Le recyclage mécanique

Il est le plus employé actuellement. Cette technique est mise en œuvre pour obtenir laines et cotons recyclés, et également l’immense majorité des synthétiques recyclés.

Il permet une transformation limitant les impacts environnementaux, cependant la fibre obtenue est généralement de moins bonne qualité et doit être mélangée avec une fibre vierge pour compenser.

La matière transformée n’ayant pas une base parfaitement claire, les possibilités de coloration s’en trouvent également limitées.

Le recyclage chimique

Comme toute technologie, il dépend de la façon dont il est conçu et mis en œuvre. Il est nécessaire d’analyser l’énergie requise, et les émissions de CO2 générées pour démontrer une empreinte carbone réduite par rapport à une matière vierge.

Cette technologie peut impliquer des niveaux importants de chaleur, pression, et solvants chimiques, il est donc nécessaire de pouvoir attester de ne pas avoir d’impact négatif sur l’air, l’eau et l’environnement.

Les cahiers des charges liées aux substances chimiques tels que ceux de Oeko-tex Passport, Bluesign ou ZDHC (Zero Discharge of Hazardeous Chemicals) peuvent accompagner ces développements.

L’atout majeur du recyclage chimique, notamment pour les matières synthétiques, est de permettre un retour à la structure native du polymère, le monomère. Ainsi purifié il permet de recréer une fibre aux propriétés identiques à celles d’une fibre vierge, et porte la promesse d’une matière ainsi recyclable à l’infini.

Il permet également de revaloriser les cotons et matières cellulosiques en nouvelles matières artificielles.


À lire aussi : Smart Key : Le recyclage du polyester est-il une solution durable ?


La transformation des matières

Selon la ressource et la technique employée, les débouchés sont multiples :

– Les cotons et laines sont fréquemment retrouvés en collection suite à leur recyclage mécanique. Ils sont triés par couleurs et types de fibres, traités pour enlever les impuretés et déchiquetés avant de pouvoir être refilés.

– Les cotons et résidus végétaux peuvent être recyclés chimiquement et donnent ainsi de nouvelles matières cellulosiques.

– L’immense majorité des synthétiques recyclés, provient de bouteilles en PET ou de filets de pêche, développés dans la plupart des cas en recyclage mécanique.

– Les cuirs recyclés sont fabriqués majoritairement à partir de ressources de pré-consommation, chutes de tannage ou confection, transformés mécaniquement en cuir reconstitué, composés de fibres de cuir recyclé et de liants en polyuréthane ou latex, ou de fibres de cuir recyclé fixées à la surface d’un matériau synthétique.

Les certifications

Afin d’accompagner l’identification des matières recyclées, 2 certifications sont fréquemment retrouvées :

RCS Recycled Claim Standard vérifie uniquement la part de contenu recyclé, et fixe un taux minimum de 5% de ressource recyclée dans une matière.

GRSGlobal Recycled Standard fixe des critères plus rigoureux avec un minimum de 20% de matière recyclée, et étend ce seuil à 50% pour pouvoir communiquer auprès d’un consommateur qu’un produit est GRS.

Cette certification couvre également des exigences supplémentaires pour les intrants chimiques, les aspects sociaux et environnementaux.


Pour ne pas s’engluer dans une approche qui pourrait être qualifiée de greenwashing, quels points observer pour assurer une démarche de recyclage engagée ?


Smart Key #1 : Avoir un discours transparent

Recyclé ou recyclable ? La confusion est de plus souvent de mise.

Une matière recyclable a la caractéristique d’être potentiellement recyclée. Cependant dans l’absolu un grand nombre de matières le sont en théorie, la pratique, elle, n’est pas forcément au rendez-vous pour toutes. Elle implique de pouvoir structurer des réseaux de collecte et transformation spécifiques, recueillir des gisements en volume assez conséquents pour lancer une production industrielle, et également la montée à échelle de certaines technologies niches.

Le caractère recyclé d’une matière n’élude pas certains problèmes, la question des microfibres notamment est toujours présente, que la ressource soit vierge ou recyclée.

Attention également au mythe des recyclés synthétiques et de leur apparente réponse idéale au problème des plastiques. Ils nécessitent encore aujourd’hui un apport de ressources pétrochimiques vierges pour permettre un bon grade de qualité de la fibre.

Par conséquent, si les consommations de matières synthétiques continuent d’augmenter de manière effrénée, le recours aux ressources fossiles complémentaires restera important. Ce peut être une avancée environnementale si en parallèle une approche de réduction globale d’emploi des synthétiques est observée.

Smart Key #2 : Concevoir pour recycler, les facilitateurs et perturbateurs

Afin de permettre une recyclabilité optimale, certains critères sont identifiés comme favorisant ou freinant le recyclage.

La composition :

Les monomatières, et les fibres longues initiales sont de réels atouts pour la seconde vie d’une matière.

L’élasthanne doit rentrer en composition idéalement à 2 ou 5 % maximum.

Choisir au maximum un bi-matières et de préférence de même typologie (laine+cachemire, coton+viscose…), limiter de 15 à 20 % la deuxième matière

Pas de fils métalliques

La contexture :

Il est recommandé d’éviter :

Les étoffes complexes comme le jacquard

La maille jetée (indémaillable, ne permettant pas par conséquent d’être effilochée),

Les tissus à importante élasticité mécanique

Les matières très épaisses ou au contraire les fils très fins

Les ennoblissements et décors :

Certains apprêts ou finitions de type anti-froissage, flocage, enductions perturbent le recyclage.

Les décors collés ou cousus sont également problématiques.

Smart Key #3 : L’enjeu du recyclage de textile à textile

C’est la clé primordiale, celle qui pourrait permettre une bascule et nécessite un engagement et investissement massif.

Seuls 1 % des matières sont recyclées de textile à textile, et là se trouve le nerf de la guerre, la mise en place effective du recyclage au sein de la filière mode.

Concernant les 2 fibres les plus employées au monde, le coton et le polyester, Textile exchange partage qu’1 % du coton et 15 % du polyester sont issus du recyclage, dont 99 % du polyester recyclé provient du recyclage de bouteilles en PET.

Certes ces bouteilles plastiques permettent d’extraire moins de ressources fossiles, cependant elles deviennent sujet de combats d’approvisionnement entre industries, puisque l’agro-alimentaire, principal pourvoyeur, se trouve en compétition avec le textile. La filière doit recycler ce qu’elle met au marché, et non purger les matières des autres industries.

Si le recyclage est un volet de l’économie circulaire, un vêtement qualifié de responsable devra avant tout durer dans le temps grâce à sa qualité et sa capacité à traverser les modes.


Sources:

  • ReHubs, A joint initiative for industrial upcycling of textile waste streams & circular materials – Euratex – Novembre 2020
  • Position Paper : Chemical recycling implementation principles – WWF – Janvier 2022
  • Chemical Recycling, State of play – Eunomia pour ChemTrust – Décembre 2020
  • Circular Material Guidelines – Fashion Positive – Aout 2020
  • Étude des perturbateurs et facilitateurs au recyclage des textiles et linges de maison – École Nationale Supérieure des Arts et Industries Textiles pour EcoTLC – Juillet 2014
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