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Smart Key : Traçabilité physique, l’intégrité au coeur de la fibre


Précédemment, nous avons exploré comment la traçabilité numérique et les solutions blockchain peuvent contribuer à accélérer la cartographie des chaînes de valeur. Ces remarquables outils de transport et de partage de données sont plus efficaces lorsque les données sont irréfutables. Or plus on remonte dans le processus de production, plus le risque d’inexactitude ou de falsification augmente.

Alors, est-il vraiment possible d’authentifier une matière première avec certitude ?


Un système à rude épreuve

L’équation est aussi simple que surprenante, le volume de coton biologique vendu est supérieur à celui produit.

Pour donner suite à des suspicions de faux certificats depuis plusieurs années, une investigation a été menée en 2020 par Global Organic Textile Standard en Inde, et révélé 20 000 tonnes de coton non conformes aux critères biologiques. Demande en hausse constante, offre peu disponible et attestée avec des certificats papiers, certaines failles dans les systèmes ont donné lieu à une multiplication de fraudes. Au travers de QR codes sur les certificats amenant à un faux site des autorités, les certificats étaient prétendus authentiques. Cet exemple du coton bio trouve son écho avec des phénomènes similaires pour les matières recyclées, qui bien que certifiées, ne sont pas toujours totalement exemptes de risques de falsification.


À lire aussi : Smart Key : Comment les outils digitaux accélèrent-ils la mise en place de la traçabilité ?


Si la vérification par certificats peut peaufiner ses process de contrôles transactionnels et sur site, comment permettre d’ajouter une étape de sécurisation avec l’authentification physique du matériau ?

Une traçabilité robuste

C’est au cœur de la matière qu’il est désormais possible de lire les informations. Depuis quelques années, les procédés se multiplient pour venir attester de l’origine d’une matière ou d’une qualité spécifique, non en suivant ses documents d’identification, mais en allant observer la constitution même des matériaux.

2 grandes catégories distinguent ces vérifications, les analyses scientifiques et les marqueurs additifs.

Smart Key #1 – Analyses médico-légales, la puissance des tests scientifiques

Les traceurs médico-légaux se concentrent majoritairement sur la vérification géographique des fibres végétales et animales.

Pour diagnostiquer les matériaux, une analyse des propriétés biochimiques des fibres ou matériaux va être effectuée en scrutant les rapports isotopiques (spécifiant les éléments ayant des propriétés chimiques identiques) et caractéristiques des zones géographiques, ou en se reposant sur leurs structures ADN.

Des bases de données sont constituées avec des échantillons types prélevés sur les zones d’approvisionnement, pour déterminer toutes leurs caractéristiques, et consolider ainsi chaque empreinte génétique. Ensuite, les matières soumises à vérification sont analysées pour vérifier leurs attributs communs avec ces souches types.

Acteur phare de ces technologies, Oritain atteste désormais des qualités premium des cotons Supima, et assure une sécurisation supplémentaire de ses données via les technologies de traçabilité digitale blockchain de Textile Genesis.

Véritable atout pour les contrôles d’origine et s’assurer que la matière est question, n’est pas liée à une zone à risque, ces méthodes pourraient être des leviers importants pour apporter notamment des preuves sur les provenances des cotons, particulièrement pour répondre aux réglementations comme le Uyghur Forced Labor Protection Act.

Smart Key #2 – Marqueurs additifs, la traçabilité encapsulée

Trois procédés se distinguent. Les marqueurs ADN de synthèse venant apporter une identification moléculaire. Les encres ou terres rares luminescentes, reconnaissables via des dispositifs de lecture UV ou infrarouge.

Et, plus niche, les empreintes optiques filigranes invisibles à l’œil nu, appliquées elles uniquement sur les rouleaux de tissu.

Les substances ADN de synthèse ou luminescentes peuvent être incorporées au moment de la 1ère transformation de la fibre, tel que l’égrenage pour le coton, ou sur la 1ère phase de recyclage des plastiques au moment broyage de ces polymères par exemple, pour authentifier les matières très en amont. Appliquées en pulvérisation ou dissoutes dans les solutions de traitement, il est également possible de les intégrer plus tard dans les opérations de transformation, selon l’objectif escompté.

Les marqueurs ADN de synthèse d’Haelixa sont capturés dans une micro-matrice, et sont diffusés en spray sur les fibres ou matières semi-finies. Ils peuvent être ensuite vérifiés par des tests ADN simples et rapides. Au-delà du textile, Haelixa a la particularité d’authentifier également pierres fines et l’or.

Ces différentes typologies de traceurs sont constituées pour résister aux multiples étapes de transformation de la matière et garantis pour leur innocuité.

Lisibles via un scanneur spectromètre, les nanoparticules luminescentes inspirées des billets de banque de FiberTrace permettent d’identifier le seuil de contenu présent dans la matière. Cette technologie permet d’ores et déjà de tracer coton et synthétiques recyclés, et vise désormais une expansion vers le marché du cuir.

La filière cuir française s’est justement saisie du sujet traçabilité et développe aussi depuis quelques années avec succès un marquage physique. Le procédé laser Alis du CTC apporte un identifiant unique à la peau, résistant au travail de rivière, tannage et finissage.

Les informations consolidées au niveau de la ferme et abattoir sont répertoriées via un code apposé sur la peau via un laser CO2 à forte puissance. Cette technique se combine à une Intelligence Artificielle pour permettre une lecture automatisée de ce numéro pour gagner du temps d’identification.

La demande de transparence des consommateurs, associée aux objectifs environnementaux des marques, et à une pression réglementaire croissante, porte à croire que pour répondre aux attentes avec un maximum de justesse, ces solutions vont être amenées à s’implanter de plus en plus largement dans nos chaines de valeur. Encore à l’état de POC, il y a une poignée d’années, elles passent à échelle désormais sur des programmes importants.

Le frein et risque de ces solutions ? Les coûts, encore et toujours. Tout aussi louables soient-elles, qui paiera l’addition de ces preuves de véracité ? Les fournisseurs ? La marque ? Le consommateur ? Reste toujours au centre la question de la valeur et du prix payé pour un service alloué garantissant l’intégrité absolue du produit final.

Source :

Fashion for good & Textile Exchange – The textile tracer assessment (July 2022)

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