Dossier spécial – Italie Publié le
Dossier spécial Italie 🇮🇹
Le marché en direct
Le 10/01/2024, par Andrea Guolo et Silvia Manzoni
La forte croissance enregistrée par l’industrie textile italienne en 2022 s’est ralentie en 2023. La tendance à la hausse s’est poursuivie jusqu’au début de l’année 2023, mais la situation, pour des raisons de conjoncture, a commencé à se dégrader par la suite. Les résultats de 2022 avaient dépassé les niveaux pré-Covid en termes de valeur des exportations (4,4 milliards d’euros, +29% par rapport à 2021) et atteint ceux de 2018 – l’une des meilleures années, plus encore que 2019, habituellement utilisée comme terme de comparaison – en termes de chiffre d’affaires (un peu moins de 8 milliards d’euros) et de valeur de la production (plus de 6 milliards d’euros).
L’analyse présentée fin novembre par le Centro Studi di Confindustria Moda pour Sistema Moda Italia (association regroupant les entreprises du textile et de l’habillement) indique, il est vrai, que le chiffre d’affaires du secteur a augmenté en moyenne de 7,1 % au premier semestre par rapport à la même période en 2022, mais ce chiffre inclut aussi bien les entreprises de tissus et de fils que celles de l’industrie de l’habillement, et n’est donc pas comparable aux valeurs indiquées ci-dessus.
Des exportations en baisse
La production industrielle étant en recul au cours des 9 premiers mois de 2023 (-9,8%), les conséquences négatives sur le chiffre d’affaires se sont fait lourdement sentir dans le bilan final du second semestre et, plus encore, dans les chiffres du début de l’année 2024. Les effets de cette baisse de régime sont également visibles sur les résultats dans les ventes à l’international, en particulier en France et en Allemagne, les deux premiers marchés de destination des tissus italiens.
Les stocks d’habillement restent abondants
La baisse a commencé en avril mais s’est accentuée dans la dernière partie de l’année. À partir de la fin de l’été 2023, selon l’analyse de PwC Italia, la chaîne d’approvisionnement textile italienne a aussi été affectée par le comportement de ses clients du secteur de la mode et du luxe, qui ont montré une attitude plus prudente dans leurs nouvelles commandes, en particulier sur les produits permanents, pour lesquels les stocks restent abondants.
« Même les fabricants qui avaient connu un relative croissance dans le retour en force de l’habillement formel sont en train de connaître un ralentissement, à la suite du succès de styles plus décontractés, qui se sont imposés depuis la pandémie », affirme Omar Cadamuro, partner du cabinet de conseil en stratégie cité.
La durabilité, mais à petits pas
Un autre aspect souligné par PwC Italie est que la demande de tissus plus durables, tels ceux mono-matériaux, reste sur le papier, du moins lorsqu’il s’agit de grands volumes. L’expérimentation pour offrir matériaux recyclables et circulaires se poursuit, bien que les marques semblent plutôt motivées par d’autres critères, tels que la performance technique, la disponibilité de nouveaux patterns stylistiques et la compétitivité des coûts.
« Même en tenant compte des avancées des autorités de régulation, celles-ci ne sont pas suffisantes pour provoquer un véritable changement de régime, et l’effet sur l’impact environnemental reste encore marginal », prévient Cadamuro.
Une stratégie à moyen terme
Au niveau de la filière, les opérateurs reconstituent les stocks intermédiaires, qui ont parfois été complètement épuisés au cours des deux années de croissance post-pandémique.
L’objectif de ce réapprovisionnement est de maintenir les niveaux de capacité de l’usine qui, sinon, serait contrainte de réduire sa main d’œuvre. En général, les longs délais de la production textile, liés aux cycles des matières premières naturelles et synthétiques, ne permettent pas de répondre à une demande « schizophrénique » à court terme et il est donc nécessaire de fonder la stratégie sur des prévisions à moyen terme, également en prévision d’une reprise future de la demande.
L’industrie textile italienne ne peut pas se permettre de recourir à des licenciements ou à des amortisseurs sociaux. Cela risquerait, à un moment de grande criticité dans la recherche de personnel spécialisé, d’entraîner une perte de compétences précieuses, décisive pour la réussite, car liées à la capacité d’innover. Ces compétences permettent au Made in Italy de maintenir un niveau de qualité cohérent avec son positionnement haut de gamme, essentiel pour être compétitif et assurer son rôle d’industrie de référence sur le marché mondial.
« La collaboration des entreprises avec les instituts techniques d’enseignement supérieur et une stratégie de communication visant à valoriser le secteur et son savoir faire sont quelques-uns des leviers qui peuvent être activés pour répondre à ces exigences d’excellence », souligne-t-on chez PwC Italia.
Favoriser les synergies
En Italie le tissu entrepreneurial est très fragmenté et cela a donné lieu à de nombreuses stratégies : de l’acquisition de fournisseurs par des holdings de luxe à l’entrée de fonds d’investissement privés dans le capital des entreprises, en passant par la création de groupements de chaînes d’approvisionnement comprenant des fabricants de tissus, de cuirs, de composants et d’accessoires de mode.
« Il est certain que la fragmentation du paysage industriel italien permettra à l’avenir d’autres opérations susceptibles de déboucher sur des synergies en termes de coûts et d’exploitation, et de contribuer à une managérialisation du secteur », conclut l’expert.
En d’autres termes, le nombre d’entreprises diminuera, mais celles qui resteront auront un effectif et une capacité de production plus importants.
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